Logistique vaccinale : assez de l’activisme des donneurs de leçons, mais osons dire que le Monde de l’État devra se réformer

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Beaucoup se moquent de la difficulté de la France pour enclencher une vaccination rapide à grande échelle.  Ces détracteurs sont tombés dans la facilité de la « moquerie », du « yaka » et du « tous des incapables ». Ils n’ont pas compris le problème, n’en n’ont pas compris les causes, et pourtant ils ont des solutions ; et cela leur donne le droit de désigner des coupables.


Au contraire, chez P-VAL nous pensons que quand un problème se pose, au niveau de l’Etat ou dans une entreprise, il est très rare que la cause soit une incompétence et que la solution soit de remplacer l’incompétent après l’avoir désigné à la vindicte populaire.

 

Oui, il y a un problème de vitesse de mise en place de la logistique vaccinale. Mais une des causes-racines de ces difficultés est à chercher dans le Monde de la fonction publique. 


Elle n’a pas été formée et n’est pas managée pour gérer des projets :

  • Dont la réussite nécessite d’embarquer un écosystème qui dépasse les structures de l’État (en l’occurrence l’industrie pharmaceutique, la médecine privée, Doctolib, les collectivités, les experts en logistique, …)
  • Qui doivent être gérés sous contraintes de temps et de ressources rares,
  • Sous pression d’une opinion publique pas totalement acquise,
  • Avec une capacité d’anticipation forte,
  • Et des objectifs de résultat.

On ne sort pas de la botte de l’ENA parce qu’on sait gérer ces projets, on en sort parce qu’on a su prouver des capacités exceptionnelles d’analyse, de synthèse et de prise de parole. Pourquoi l’étudiant à l’ENA devrait-il apprendre à gérer un projet complexe puisqu’il ne sera jugé sur ce sujet ni pour son classement de sortie ni pour ses promotions futures. 


Soyons clair, la cause du problème ne sont pas les hommes mais les manières de penser et d’agir de l’administration. Son Monde.


Ce Monde Historique est excellent pour gérer des problèmes dont toutes les composantes dépendent de l’administration d’État (et saluons l’efficacité du ministère des finances sur la gestion des conséquences économiques et sociales de la crise), il ne sait pas gérer les autres projets.


Dans ce Monde Historique :

  • L’intendance suivra, et elle n’est donc pas managée au plus haut niveau (j’imagine que personne au cabinet du ministre n’avait la responsabilité de son pilotage dès avril dernier),
  • La grandeur est d’inventer le vaccin, pas de savoir le distribuer,
  • La grandeur est de faire de la pédagogie (se battre contre la désinformation), pas d’organiser l’action,
  • Les interactions avec des acteurs extérieurs sont fondées sur le contrôle et la méfiance,
  • Les décisions ne sont pas fondées sur des arbitrages coûts-bénéfices (le syndrome du sang contaminé).

 Un changement de Monde s’impose. En voilà quelques lignes possibles :

  • GRANDEUR : La primauté de l’action
  • RECONNAISSANCE : Ceux qui savent gérer des projets complexes qui tiennent leurs objectifs de résultats et de délais
  • INTERACTIONS COLLECTIVES : La collaboration avec des acteurs en dehors du périmètre de l’administration / La capacité à parler à une opinion publique qui a changé de grilles de lecture
  • DECISION : La recherche de la vitesse et de la simplification


À l’aune de ce problème de logistique vaccinale, le sujet de la réforme de l’ENA, dont on parle depuis des années, devrait en particulier se concentrer sur ce changement de Monde et pas sur la suppression des grands corps : nouveaux enseignements, nouvelles modalités de classement de sortie. 


Chez P-VAL, on appelle cela une passerelle. 

Changer le Monde de ces hauts fonctionnaires sera beaucoup plus efficace que le recrutement de quelques experts en logistique par les ministères dont les compétences seraient totalement mangées par ce Monde Historique dont la grandeur n’est pas l’action et le résultat.


Bruno Jourdan

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