Toutes les banques de détail se posent des questions à fort enjeu sur leur réseau d'agences. Voici quelques chiffres et éléments d'analyse pour illustrer ce que l'angle d'approche Monde peut apporter à la réflexion.
Wincor Nixdorf, en partenariat avec l'IFOP, a réalisé un baromètre sur les habitudes et les attentes des Français vis-à-vis du secteur bancaire, dans le but de mesurer le décalage entre leurs besoins et les réponses qu'y apportent les agences.
Il en ressort que seuls 9% des Français effectuent des comparatifs de produits et de services entre les banques avant de retenir celle qui leur conviendra le mieux.
- Pour 29% d’entre eux, leur banque actuelle est celle où ils ont ouvert leur premier compte ; pour 26%, il s’agit de celle de leurs parents ou de leur conjoint.
- Les Français sont fidèles : 52% ont plus de 20 ans d’ancienneté dans leur banque. Pour 35%, le conseiller financier est la deuxième personne la mieux placée pour gérer leur argent après eux-mêmes (82%) - Vous pensiez à qui d'autre ? à votre boulanger ?
- 37% des Français n’ont aucun reproche à faire à leur banque sur la gestion de la relation client - Donc 63% auraient un reproche ?
La moralité de cela est une exception remarquable à tous les business retails. Le Client et la Banque ont construit un Monde commun domestique-industriel.
- Le client est dans une relation domestique avec sa banque, sans doute issue d'un héritage historique : l'argent est un sujet dont on parle peu et seulement dans un cadre très policé, avec une relation presque Enfant - Parent dans laquelle personne ne veut se fâcher avec l'autre. Ainsi, le conseiller bancaire a joué jusqu'à présent un rôle fort d'amortisseur en régulant les contraintes et en donnant souvent raison au client : cartes bancaires non facturées ou à 50%, frais de dossier donnés,... "Ne nous fâchons pas"
- Les banques de leur côté ont mis l'accent sur l'industrialisation de leurs processus "à fond". Cela au détriment de l'innovation, de l'image et de la relation marchande avec le client. Résultat, toutes les banques ont les mêmes offres, avec très peu d'innovation dans la relation client, même si cela commence à changer. Pourquoi changer de banque si celle d'à côté est exactement pareille, avec un niveau de concurrence frontal très faible (comparé aux Telecoms par exemple) ?
Ce Monde domestique-industriel est en train de voler en éclats.
Certes pas très vite au regard d'autres marchés, mais avec une ampleur suffisante pour constituer un facteur majeur de déstabilisation pour la banque qui sera plus lente que les autres à s'adapter au nouveau Monde Client.
Toujours selon l'étude Wincor, 65% des français estiment que l’agence bancaire va évoluer :
- 26% envisagent sa disparition au profit de la banque en ligne - Les clients seraient-ils parfois plus lucides que les Banquiers eux-mêmes ?
- 20% imaginent une agence bancaire spécialisée pour certaines catégories de la population
- 19% pensent qu’elle va devenir un lieu dédié à la présentation et à l’information sur les produits bancaires.
L'agence bancaire va faire beaucoup plus qu'évoluer !
Les mesures d'ajustement en cours sont davantage des mesures défensives illustrant l'ancien Monde pour en retarder les évolutions que des percées "nouveau Monde".
Vous me direz que je suis provocateur ? Oui sans doute, mais je vais prendre un exemple récent. Le Figaro Economie du 9 octobre (mon anniversaire pour ceux que cela peut intéresser) publie en page 30 deux articles côte à côte.
- Le premier article prédit que les agences ont vocation à devenir des lieux "cosy" dans lesquels nous viendrons nous connecter pour connaître et acheter des produits, avec à nos côtés notre conseiller adoré...
- Le second prévoit que le client qui aura souscrit à un produit à distance via sa tablette, assis dans son canapé aussi cosy que celui de l'agence (mais avec un verre de whisky et en compagnie de sa moitié adorée, pour de vrai ce coup-ci), ne voudra plus se déplacer à l'agence pour signer le contrat papier, préférant le signer depuis sa tablette
- Le premier article relaie la vision des Directions de l'Immobilier et des Directions Réseaux, qui ont besoin de "justifier" leur Monde historique - la Grandeur par l'Agence. C'est une réponse qui s'inscrit dans leur Monde, mais pas dans celui de leurs clients qui eux sont déjà dans un Monde nouveau, numérique
- Le second présente le Monde du client qui questionne l'utilité d'une rencontre à l'agence, sauf pour discuter d'un projet spécifique.
Rassurez-vous, j'ai beaucoup de respect pour les conseillers et crois que l'agence bancaire va rester un pilier de la conquête commerciale et de la transformation vers des offres à valeur ajoutée.
Je vous invite à lire l'un des messages précédents : Comment réinventer l'Agence Bancaire ?
Laurent Dugas
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