La première difficulté du dirigeant est simplement d’avoir la capacité à imaginer une stratégie.
Facile ? Pas tant que cela, parce que le Monde auquel il appartient filtre sa capacité à concevoir une nouvelle stratégie. Autrement dit, son Monde limite les stratégies qui lui sont accessibles.
Sa deuxième difficulté est d’embarquer son entreprise dans l’exécution de la stratégie qu’il a fixée
… et sauf à n’avoir qu’une stratégie incrémentale, il est plus que probable que le Monde de l’entreprise que dirige notre stratège va avoir du mal à l’exécuter. Pourquoi ? Parce que la capacité d’exécution ne se décrète pas, elle est la résultante d’un Monde, souvent orthogonal de la nouvelle stratégie - et pour mémoire, marteler aux troupes la présentation de la nouvelle stratégie ne sert à rien.
Deux exemples opérationnels pour illustrer ces deux difficultés
Les cirques traditionnels s’effondrent - illustration de la première difficulté
Pour quelles raisons ? Largement parce que leurs patrons-propriétaires sont structurellement incapables de comprendre les nouvelles attentes de leurs spectateurs potentiels. Leur grandeur est de pérenniser ce que leurs arrières-arrières-grands-parents avaient créé. Leurs spectateurs, quand à eux, trouvent totalement dépassés de voir quelques animaux lever les pattes devant un dompteur brandissant un fouet ou regarder des trapézistes faire des exercices de voltige moins impressionnants que ceux de Tom Cruise dans un blockbuster américain. A-contrario, les nouveaux cirques, comme le cirque Plume ont eux compris qu’ils pouvaient occuper un nouveau créneau stratégique, celui de la poésie et du rêve, et ils pulvérisent les records de fréquentation … Mais les dirigeants de ces nouveaux cirques ne viennent pas des grandes familles historiques du cirque traditionnel, et du Monde qui va avec.
Changer de stratégie, c’est changer de Monde !
La DCNS a du mal à convaincre ses cadres d’adhérer à son projet d’entreprise - illustration de la seconde difficulté
Un article des Echos du 25 octobre 2010 résume parfaitement le problème : « Près d'un an après avoir été lancé, Championship, le grand plan de développement de DCNS, peine à prendre. Ce projet, qui vise une croissance d'au moins 50 % d'ici à dix ans et un gain de 30 % de la compétitivité, est censé permettre au chantier naval militaire de faire face à une concurrence mondiale croissante … pour les cadres de DCNS « faire adhérer à Championship » ne ressort qu'au 12e rang des priorités qu'ils se fixent, très loin derrière l'organisation et le suivi du travail de leurs équipes
« La façon dont les managers perçoivent leur rôle témoigne d'une culture très opérationnelle, qui ne donne pas la priorité au résultat », convient Patrick Boissier, le PDG de DCNS . » Il résume parfaitement le nécessaire changement de Monde de son entreprise.
L’article des Échos ajoute « Quand aux 30 % de gains de compétitivité, c'est la croissance des revenus qui servira de juge de paix » … cette affirmation nous semble fausse : dans un Monde où la grandeur actuelle décrite par Patrick Boissier n’est pas le résultat, les gains de productivité n’intéresseront personne, pire, cette recherche de gain est probablement l’état de petit par excellence parce que la productivité dans le Monde actuel s’oppose à la performance opérationnelle.
Changer de stratégie, c’est changer de Monde !
Et vous, considérez-vous que changer de Monde est l’accompagnement du changement ou qu’il est LE changement ?
Bruno Jourdan
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