Un article du Financial Times relayé par l’Usine Digitale fait l’éloge de Paul Emerenko, le nouveau CTO d’Airbus Group. Cet ex-Google y est décrit comme « plongeant le groupe dans un ouragan perpétuel » et le CEO Tom Enders explique « ce que nous faisons avec notre système de R&D technologique n'est rien d'autre que de la destruction créatrice : nous le démantelons pour mieux le reconstruire ».
Lisons cet article avec la double lecture de la recherche de Performance et du nécessaire changement de Monde pour la faire réussir.
La recherche de Performance proposée par Paul Emerenko a du sens.
Sa priorité est de permettre au groupe d'innover beaucoup plus rapidement et de se muscler en compétences digitales, notamment en intelligence artificielle. Sa nouvelle logique d’innovation se traduit par l'abandon de projets jugés non prioritaires comme l'avion électrique au profit de concepts de nouvelle mobilité urbaine.
MAIS … cette stratégie ne réussira que si les équipes suivent. Cela n’en prend pas le chemin.
Oui, Paul Emerenko a identifié qu’Airbus devait changer de culture pour la rendre plus tolérante aux risques, au sens de l’audace et à la peur de l’échec. Un début de formulation de Monde Voulu, mais sans ses caractéristiques opérationnelles. Que veut dire tolérance aux risques, audace et peur de l’échec en termes de systèmes de reconnaissance, de mesure de performance, de prise de décision, de manières de travailler ?
Il ne prend pas de gants : « le changement peut être douloureux, surtout quand tout va bien ». Le résultat ne s’est pas fait attendre, tous les signaux sont au rouge : « les équipes sont désarçonnées », « le chef de l’ingénierie Paul Champion est parti », « un cadre exécutif parle d'Emerenko comme d’un homme brillant mais aux idées folles », « ce virage stratégique nourrit une certaine anxiété parmi les ingénieurs aéronautiques 'traditionnels' d'Airbus, désarçonnés par l'approche iconoclaste de l'innovation et du développement produit ».
Le décalage est d'autant plus grand que Paul Emerenko est perçu comme jeune, 37 ans, et sans expérience au sein de l'industrie aéronautique. Autrement dit « il ne fait pas partie de notre Monde ».
Paul Emerenko propose un Monde qui n’a rien à voir avec Airbus et ne fait rien pour réussir le changement. Un chiffre résume ce Monde. Le turnover y est de 1,5%. Beaucoup trop bas explique le DRH Thierry Baril. Ce taux est symptomatique d’une culture confirmée par beaucoup de leurs fournisseurs. Ils décrivent tous des équipes sclérosées, incapable d’entendre des propositions innovantes, lentes à décider. Assise sur leur fromage ? Qui leur jetterait la pierre ? Ce fromage est riche en matières grasses.
La messe est dite.
Qui va gérer ce projet de transformation ? Pas Paul Emerenko qui n’est pas décrit comme un leader mais comme un éclaireur. Ses idées vont rester dans les labos de recherche d’Airbus ou faire des buzz éphémères.
L’enseignement de cette histoire est toujours le même : ne croyez pas que l’affirmation de votre stratégie suffira à la faire réussir. Vous devez gérer la transformation. Et chez Airbus elle semble gigantesque.
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